lundi 12 novembre 2007

agro-carburants : un crime contre l'humanité



Jean Ziegler a présenté le 25 octobre devant l’Assemblée générale des Nations Unies, son rapport sur les agrocarburants. Il demande un moratoire de 5 ans. « Dans ce monde tel qu’il est aujourd’hui, brûler de la nourriture et la transformer en carburant, c’est un crime contre l’humanité. »
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Le développement des biocarburants, selon le rapporteur spécial, loin de diminuer la faim dans le monde va l’aggraver, si du moins on poursuit dans cette voie : « Cet empressement à vouloir subitement et de façon irréfléchie transformer des aliments, tels que le maïs, le blé, le sucre et le vin de palme en carburant revient à courir à la catastrophe. Cela risque d’entraîner une concurrence entre nourriture et carburant qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de l’augmentation rapide du prix des aliments, des terres vivrières et de l’eau. » La logique semble, en effet, imparable : plus les surfaces de plantations nourricières sont transformées en cultures réservées au bioéthanol ou carburant pour voitures propres, plus les récoltes en produits nourriciers sont réduites et plus les prix des denrées augmentent, du fait de leur rareté.

Il explique que pour produire un plein de 50 litres de bioéthanol, il faut brûler 230 kg de maïs, alors que 250 kg est ce qui permet de nourrir une personne pendant une année.


Ziegler rappelle les chiffres : 854 millions, un homme sur 6, est gravement sous-alimenté. Un enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes. Toutes les 4 minutes, un être humain perd la vue par manque de vitamine A. Ce qu’il appelle le massacre quotidien de la faim augmente. La situation s’aggrave de jour en jour.
Le Brésil, qui a fabriqué 12 millions de tonnes d’éthanol l’an passé, veut devenir un important fournisseur du marché mondial d’ici à 2025. Il travaille, également, sur du biodiesel à base de soja. Là, de grands propriétaires, soucieux de développer leurs exploitations de canne à sucre destinée à la fabrication d’éthanol, ont mordu sur les cultures de haricots rouges, l’un des piliers de la nourriture brésilienne.
Ziegler met en garde : « Si on laisse faire les grandes sociétés multinationales, l’hécatombe de la faim va croître encore. Alors qu’on pourrait déjà aujourd’hui, si on avait une politique agricole mondiale convenable, raisonnée, décidée par les peuples et non par les multinationales, nourrir toute la planète. »


Droit d’asile pour les fugitifs de la faim
Dans son rapport Ziegler exige des états un nouveau contrat mondial concernant les réfugiés de la faim. A son avis, on devrait appliquer au moins le principe de l’accueil provisoire. Dans ce but, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pourrait développer par exemple la convention des réfugiés de 1951. « Il faut terminer la catastrophe humanitaire qui se déroule à la Méditerranée », disait Ziegler. « Les Européens ne répondent que de façon militaire à ce problème. Les réfugiés de la faim ne sont pas des réfugiés économiques. Ils luttent pour leur survie. »


Le retour
Avec l’introduction du droit d’asile pour les réfugiés de la faim, Ziegler veut contraindre les Etats européens à changer leur politique vis-à-vis de l’Afrique de façon radicale.
Dès que les pays industrialisés seraient obligés d’accueillir ces gens, ils s’intéresseraient à la baisse du chiffre des victimes. C’est pourquoi il faut accroître la pression sur les pays riches selon le sociologue genevois.
« Alors la chance augmentera que les subventions à l’exportation soient abolies et que la politique de’dumping’ européenne qui détruit l’agriculture africaine se termine. » On augmentera également les fonds d’aide au développement, a dit le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. •




Source : Tribune de Genève du 12/10/07

vendredi 9 novembre 2007

La fin de l'éthanol au québec

Le jeudi 08 novembre 2007
Québec largue l’éthanol


La Presse

En raison des impacts environnementaux liés à la culture intensive du maïs, le gouvernement Charest empêchera le développement de l’industrie de l’éthanol. Il s’agit d’une volte-face, puisqu’il faisait récemment l’apologie de cette pratique qu’il appuyait sans réserve.

Pas plus tard qu’en mai 2005, le ministre de l’Agriculture d’alors, Yvon Vallières, donnait le feu vert à la construction de la première usine d’éthanol fabriqué à partir de maïs-grain, à Varennes, «pour des raisons économiques et écologiques évidentes».

Or deux ans plus tard, prétextant à nouveau des raisons «environnementales», le gouvernement recule et jure qu’on ne l’y reprendra plus: aucune autre usine d’éthanol à base de maïs-grain ne sera construite au Québec.

À l’émission Enquête de Radio-Canada, hier soir, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, promettait en effet que cette usine serait la première et la dernière du genre. «Il faut se tourner vers d’autres sources», disait-il.

Sa collègue de l’Environnement, Line Beauchamp, abonde dans son sens en raison « des impacts environnementaux liés à la culture intensive du maïs ». « En ce qui nous concerne, c’est une première et une dernière », a indiqué hier à La Presse le porte-parole de la ministre, Philippe Cannon.

Cet impressionnant revirement de situation, qui résulterait en grande partie d’une guerre entre les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, survient au moment où de plus en plus de voix s’élèvent dans le monde contre le détournement du maïs-grain pour des fins de transport. Car ce choix, d’autres que le Québec l’ont fait, les États-Unis en tête.

C’est que cet engouement subit pour le grain jaune ne se fait pas sans heurts. Les experts parlent d’une dégradation des sols visés par la culture intensive, de la contamination des cours d’eau, de l’utilisation à grande échelle d’herbicides, d’insecticides et d’engrais, de la hausse du prix des denrées alimentaires et même de la réduction des surplus de maïs habituellement envoyés aux pays dans le besoin.

« C’est simplement absurde, c’est meurtrier », s’exclamait même Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, dans le reportage d’Enquête. « Ça signifie qu’au nord de l’Éthiopie, les camions du Programme alimentaire mondial n’arrivent plus et (...) les gens meurent », ajoutait-il.

Moins de GES ?

Pourquoi, dans ce cas, tant de gouvernements veulent-ils obliger les distributeurs d’essence à inclure de l’éthanol dans leurs carburants ? Pour plusieurs raisons qui vont de l’aide à l’industrie agricole, qui profite pleinement de ce boum, à la lutte contre les changements climatiques, car l’éthanol permettrait de réduire les émissions automobiles.

Mais là encore, les bénéfices de l’éthanol ne seraient pas aussi grands que le prétend le gouvernement Charest. Dimanche, dans une lettre publiée dans La Presse, la ministre Beauchamp soutenait que l’introduction de 5 % d’éthanol dans l’essence vendue au Québec, obligatoire d’ici 2012, permettra « de réduire de 780 000 tonnes par année les émissions de gaz à effet de serre ».

Or le directeur de la division de la recherche sur les émissions toxiques d’Environnement Canada, Greg Rideout, conteste ce genre d’affirmations. Au printemps dernier, le réseau CBC dévoilait les conclusions d’une de ses études : il n’y a aucune différence entre les émissions produites par une voiture qui roule avec de l’essence ordinaire ou avec du carburant contenant 10 % d’éthanol.

Il y aurait certainement une réduction des émissions de monoxyde de carbone, selon lui, mais celle-ci serait annulée par une augmentation des émissions d’ozone, responsables du smog.

Déchets domestiques

Que faire, donc, pour répondre aux cibles de Québec (5 % en 2012) et d’Ottawa (5 % en 2010) ? Se tourner vers les déchets de monsieur et madame Tout-le-Monde, semble-t-il.

Appelé éthanol cellulosique (ou éthanol de deuxième génération), le biocarburant fabriqué à partir de déchets domestiques ou de résidus forestiers et agricoles fait en effet l’objet de projets pilotes un peu partout en Occident, notamment au Québec où des entreprises comme Enerkem tentent de commercialiser cette technologie à grande échelle.

En juin dernier, d’ailleurs, le premier ministre, Jean Charest, annonçait l’octroi de subventions de quelque 25 millions de dollars pour la recherche sur l’éthanol cellulosique. Une chaire de recherche a été créée à l’Université de Sherbrooke et deux usines de démonstration sont en construction dans la même région.

«(Avec l’éthanol cellulosique), on est dans un autre monde, précisait la ministre Beauchamp dans La Presse, dimanche. On est véritablement dans le développement durable. »

Ni le cabinet de M. Béchard ni celui du ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, n’ont répondu aux appels de La Presse, hier.